La CEDEAO au Niger, l’Afrique en éternel terrain des guerres par procuration (Dr Samba Faye)
Il y’a quelques mois (vendredi 09 juin 2023) notre camarade Babacar Diarra de la cellule des cadres de la République des Valeurs s’interrogeait en ces termes « …qui veut mettre fin à l’exception sénégalaise ? ».
C’est un secret de polichinelle que de dire que les relations inter-états les plus feutrées sont teintées de cynisme ! La géopolitique est une soumission des contraintes géographiques aux volontés hégémoniques des Etats …puissants.
Actuellement, pour « sécuriser » son allié Taiwan des « menaces » d’une Chine de plus en plus offensive pour assouvir ses besoins énergétiques (importations de 15 millions de barils par an), les USA ont renforcé les positions de l’US NAVY dans la zone. Dans la foulée, les armées européennes se sont réunies en mai 2023 à Londres pour définir une stratégie commune leur permettant de sécuriser 30% de leurs approvisionnements en énergie venant du Golfe depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’Afrique en paye malheureusement le plus lourd tribut.
Le rixe USA vs Chine, s’est manifesté au Soudan. En effet, en 2004, Pékin avait mis son véto contre la résolution 1564 du Conseil de sécurité des nations unies à propos de l’embargo décrété par les Américains sur les armes à destination du Soudan. Plus tard, en août 2006, grâce au soutien chinois le régime de Khartoum résiste aux pressions, par l’entremise de la résolution 1706 prévoyant d’envoyer 17300 casques bleus, pour relever les 7000 casques blancs de l’Union africaine. Cette crise par puissances interposées débauche sur la scission du pays le 9 juillet 2011 pour priver la Chine d’accès à 80 % des réserves pétrolières appartenant désormais au 193e État de la planète (Sud Soudan).
En Centrafrique (disposant d’uranium, d’or, de diamants et d’une réserve d’environ un milliard de barils de pétrole) la Russie y tire les ficèles depuis les années 1970. Aujourd’hui, Wagner se déploie dans le pays pour « sécuriser » sauf dans les régions pauvres comme le Haut-Mbomou alors que des groupes armés s’y affrontent régulièrement.
Dans cette lutte d’influence, de nouveaux acteurs voient le jour. En Libye, les Emirats Arabes Unis (EAU) et le Qatar, après avoir participé aux cotés de l’OTAN à la chute de la Jamahiriya en 2011, se font face pour le partage du butin. D’un côté, l’axe antirévolutionnaire et anti-islam politique, conduit par les EAU et l’Arabie saoudite en soutien de l’Égypte et du maréchal Khalifa Haftar et de l’autre, le Qatar, allié de la Turquie, qui défend le Gouvernement d’union nationale de Fayez al-Sarraj. Ce jeu de vassalisation a déstabilisé l’Egypte avec la victoire des Frères musulmans (à l’époque) et la Tunisie avec la percée d’Ennahda en Tunisie en octobre 2011 soutenus par le Qatar. En réponse à l’avancée du Qatar, les EAU auraient finançaient Nidaa Tounès entre 2013 et 2014.
Les conséquences de ces soubresauts ont pulvérisé le voisin malien. Dans ce pays l’appétit grandissant de l’ogre Russe (avec ces relais « activistes ») et une France insatiable ont fini de mettre le pays à terre.
Aujourd’hui, dans les chancelleries, la situation du Niger résumée comme suit : la France perdant de l’influence s’arcboutte sur « son uranium » pour faire face à une Russie à l’affût.
Au vu de tout cela, il serait naïf de penser que le Sénégal est indemne de ces guerres d’influence. En 2011, nous avons vu le président Wade, escorté par l’armée France, demander à Khadafi « les yeux dans les yeux de quitter le pouvoir ». Nous avons aussi assisté à la défenestration des écoles YAWUZ SELIM par un régime turc à la traque de « putschistes ». Il y’a aussi ce qu’il advient d’appeler le « protocole de Doha » aboutissant à l’exil au Qatar d’un potentiel candidat à la présidentielle au Sénégal. Quelle était la monnaie d’échange ? une ouverture sur la façade maritime de l’ouest africain ? On se rappelle que le « Canard Enchainé », dans son numéro 5352 du 7 juin 2023, affirme que « l’argent du Qatar (principal bailleurs des frères musulmans) inonde le Sénégal …».
Au regard de tout ce qui précède, il serait naïf de simplifier les choses en une simple restauration de l’Etat de droit. Une guerre au Niger risque d’enliser la sous-région dans une crise profonde.
Dr Samba Faye
Enseignant-chercheur en sciences de gestion
Porte-parole de la République des Valeurs