Focus : La Présidentielle de 2024 n’aura pas lieu !

Les fondamentaux de la démocratie voudraient que tous les citoyens soient égaux devant la loi. Que le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple soit l’architecture institutionnelle qui régisse la nation. A l’évidence, même si tous ces artifices ne relèvent que de l’idéal, on se les concède au demeurant, pour s’offrir un semblant de démocratie. Mais dans cet embrouillamini, si le jeu politique commande le jeu démocratique, on se retrouve inexorablement dans une crise de normes et procédures. Et bonjour les dégâts. La présidentielle de 2024 n’aura pas lieu pour diverses raisons. Macky qui en est l’alpha et l’Omega tient le gouvernail à sa guise. Sous nos cieux, on casse des opposants comme on casse la vitre d’un véhicule. 2024 pointe à l’horizon !

 

S’il est vrai qu’à l’entame de son magistère, le président Macky rabâchait avec conviction la gestion sobre et vertueuse de la chose publique, il n’en demeure pas moins vrai que plusieurs cas de prévarications et de violation des droits des citoyens ont été signalés sous son magistère. Certes, la machine judiciaire s’est enclenchée sur certaines de ces hautes personnalités du pouvoir épinglées par le rapport de la Cour des comptes, mais les Sénégalais restent toujours septiques quant à la diligence de cette affaire. Le Temple de Thémis s’abat sur la tête des compétiteurs du pouvoir souvent envoyés en prison pour des motifs éthérés.

Les Opposants voués aux gémonies

Karim a été emprisonné puis exilé. Khalifa Sall est toujours dans le viseur de la justice suite à ses bisbilles avec  la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Barthélémy Dias fait face à l’affaire Ndiaga Diouf. Ousmane Sonko, le leader de Pastef serait poursuivi dans le cadre de l’affaire Sweet Beauty, mais aussi de l’affaire Mame Mbaye Niang et d’un autre policier qui aurait porté plainte contre lui.

Mais chassez le naturel, il revient au galop. Au Sénégal, quand on détient le pouvoir, on se sert du jeu politique pour malmener le jeu démocratique. Et c’est ce hiatus non moins important qui continue d’accabler nos compatriotes. La notion de démocratie devient de facto un « idéal » dont on se sert pour amuser la galerie.

Si la politique est perçue comme l’art de la technique qui fait travailler toutes les autres sciences, d’après un penseur, il reste que sans accoudoir démocratique, ce postulat ne saurait se prévaloir. Celui qui détient le pouvoir ne cherche jamais s’il a raison ou tort en conformité avec la loi. Ce qui importe pour lui, c’est de mettre au pas ses redoutables adversaires. C’est cette posture politicienne qui est en train de perdre le Sénégal. Ce qui est traumatisant pour notre « démocratie », c’est que pendant qu’on protège les gens du pouvoir, les opposants eux en paient la note.

Crises de normes et procédures

Dans un pays où les normes et procédures sont en crise, dans un pays où le citoyen est angoissé   à l’idée d’ester en Justice, rétablir les équilibres du point de vue de l’égalité des citoyens devient une urgence majeure. Les dossiers qui concernent les citoyens moyens ou l’opposition sont toujours susceptibles d’être enclenchés par l’auto-saisine du Procureur. Mais s’agissant des dossiers qui proviennent des tenants du pouvoir, le maître des poursuites lorgne d’abord du côté du parquet lequel coiffé par le ministère de la Justice, avant d’agir.

Révulsés par des pratiques peu orthodoxes au sein du Temple de Thémis, les Sénégalais ne comprennent toujours pas pourquoi le destin leur a réservés une Justice où il y a d’excellents magistrats, mais qui restent assujettis à un système politique tout aussi obsolète et quasi inamovible. La remarque est d’autant plus importante que les Sénégalais en sont arrivés à être tétanisés dès qu’il s’agit de se tourner vers la justice lorsque   leurs droits se retrouvent lésés.

La justice érigée en « pouvoir » et non en « autorité »

A l’évidence, la Justice est d’abord érigée en « pouvoir » et non en « autorité ». La nuance aura été de taille car un pouvoir a tendance à être illimité tandis que l’autorité obéit à un certain contingentement. S’y  ajoute la larmoyante question du parquet qui reste  congénital à la genèse du département de la Justice à la tête de laquelle, trône le ministre de la Justice qui lui-même  obéit aux ordres du  Président de la République qui à son tour, préside aux destinées du Conseil Supérieur de la Magistrature(CSM).

Une véritable chaîne de responsabilité qui ôte de facto toute possibilité aux magistrats et agents de la Justice de jouir d’une réelle indépendance. Quand la posture partisane de la « majorité » empiète   prosaïquement sur les principes républicains, il reste clair que seuls ceux qui ne sont pas du côté du pouvoir sont souvent soumis à une procédure judiciaire qui les voue aux gémonies. Les affaires Khalifa Sall et Karim Wade n’ont jamais connu de lenteurs, encore moins de jugement équitable et légal de l’avis des opposants. Il en est de même de l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko. Tous ces dossiers en effet, permettent au Premier Sénégalais de neutraliser des adversaires politiques supposés redoutables.

En tous les cas, dans le système judiciaire Sénégalais, seul le « devoir d’ingratitude » du juge est susceptible de donner l’impression aux citoyens que la Justice tend vers son indépendance. C’est à dire se mettre à dos de la hiérarchie dans le seul but de faire triompher la vérité. A contrario, le Sénégal sera toujours sous le joug de la Justice des tenants du pouvoir.

Le parrainage de la controverse

Le concept de démocratie pose problème autant que son application dans la sphère politique nationale. Détenir une majorité   mécanique pour le régime de Macky revient à s’arroger tous les droits au mépris de la cause juste. Le pouvoir de l’APR, par l’APR et pour l’APR en devient la devise.

C’est là, toute la controverse du système de parrainage, objet de tous les rejets de la part des sénégalais mais aussi de la communauté internationale. Le parrainage apparait aujourd’hui comme un filtre pour écarter des adversaires politiques bien positionnés. Et l’occasion faisant le larron, les principaux ténors de la scène politique nationale risquent d’être écartés de la prochaine présidentielle si tenté est que le Président Sall veuille veuillent forcer le barrage d’une troisième candidature. Ce qui risque de faire sombrer le pays dans une spirale de violences dont l’issue pourrait aboutir à un chaos national.

Le peuple passe du statut d’acteur à spectateur

Le concept de démocratie pose problème autant que son application dans l’approche que les sénégalais se font de la politique politicienne. Si l’on s’en tient à la spécificité de notre démocratie de type représentative, les dépositaires de la souveraineté populaire cessent d’être des acteurs dès lors qu’ils arrivent à désigner les « acteurs » supposés les représenter au plus haut sommet de l’Etat et au niveau de plusieurs autres postes électifs. Ils deviennent ainsi des spectateurs qui n’ont plus droit au chapitre en ce qui concerne certaines décisions d’intérêt national.

Et c’est justement ce qui se passe avec le régime du Président Macky qui au final, se croit investi de tous les droits que lui dicte la majorité mécanique qu’il détient au sein des assemblées représentatives (Assemblée nationale, et autres Institutions similaires). Du coup, l’on se rend compte que le Président Macky ne tient plus compte des sénégalais qui l’ont plébiscité à la tête du pays, encore moins de ce pourquoi « sa » représentation nationale travaille dans l’hémicycle. Les Sénégalais deviennent ainsi des « demeurés » qui se laissent embarquer dans des situations antidémocratiques sans aucun lien avec ses visées démocratiques.

Césure entre Macky et le peuple

Et l’épine dorsale de cette crise des normes et procédures démocratiques ne résulteraient que de la posture partisane du chef de l’Etat en tant que Président de parti, locomotive de la majorité présidentielle. Ce qui importe pour ce dernier, c’est de privilégier le parti avant la patrie afin de pouvoir maintenir l’échelle politique qui lui aura permis de grimper les marches des escaliers menant au Palais de la République. Aujourd’hui, s’il y a « fracture » entre Macky et son peuple, c’est moins sa volonté d’appliquer la démocratie-au sens diachronique du concept -que d’user de sa majorité mécanique pour faire passer ses desseins.

A la limite, les Sénégalais ont fini de se résoudre du pouvoir de l’Apr, par l’Apr et pour l’Apr. Ce qui explique que la deuxième alternance démocratique semble émerger de plus en plus à reculons pour nombre de Sénégalais. Ce qui n’est pas souhaitable dans un pays comme le nôtre. Tout le monde s’y prépare, mais la présidentielle de 2024 n’aura pas lieu pour la bonne et simple raison qu’aucune condition n’est réunie. De surcroit, personne ne sait qui sera candidat ou qui sera écarté par le biais du système de parrainage bien planifié par le Chef. Dans ces conditions, la présidentielle de 2024 n’aura pas lieu ou alors ce sera le chaos sur le plan national !

 

                                                                              Aliou Top directeur de la publication du quotidien Le Regard

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