Entretien exclusif : Me Moussa Diop sans frein

L’Ancien Directeur de Dakar Dem Dik, Moussa Diop prépare le terrain pour les échéances présidentielles de 2024. A la tête de la coalition And goryi Jotna, ils visent la majorité silencieuse qui a tourné le dos aux politiciens. Dans cet entretien exclusif accordé au quotidien, Le Regard, il se penche sur les questions brulantes de l’actualité non sans lancer un appel aux hommes religieux pour que ce pays échappe au pire.

Entretien

Quelle lecture faites-vous des motifs évoqués par le préfet de Mbacké pour interdire le meeting de Pastef

J’ai deux lectures à faire sur la décision prise par le préfet de Mbacké. D’abord, sur le plan juridique, la loi reste la loi. Cette dernière exige trois signatures, ils ont introduit un recours et la décision du préfet a été confirmée. Ensuite sur le plan politique, je trouve que les préfets doivent avoir plus de neutralité. On a vu ce qui s’est passé lors des élections locales, d’ailleurs des décisions préfectorales ont été annulées. Vous vous souvenez de l’affaire Djibril Ngom à Matam : c’est moi qui ai fait annuler la décision en tant qu’avocat, je l’ai attaqué depuis Paris. Les juges ont considéré que les préfets n’étaient pas neutres. Si le préfet de Mbacké était neutre, il allait rappeler la loi, demander une autre signature et le meeting se serait passé très bien. Il n’y aurait pas de débordement ou de saccages. Et c’est comme cela que ça doit se passer dans une démocratie.

La confrontation entre Benno et Yewwi ne finira pas de créer une bipolarisation qui désavantagera les autres coalitions ?

Il n’y aura pas de bipolarisation parce qu’il y’a des acteurs qui ne se sont pas encore signalés. On ne peut pas faire de la politique tout le temps. Mon nom est collé à la société Dem Dikk, là où j’ai fait mes preuves par un travail remarquable. Quand j’ai fini ma mission dans les conditions que vous savez, nous avons mis sur pied And Goryi  qui est une coalition en gestation. Les gens y adhèrent et on tient nos activités. Si on se réfère aux dernières législatives, 53% n’ont pas voté. C’est ce que j’appelle la majorité silencieuse. Je m’adresse à cette frange d’électeurs mais pas aux politiciens. Donc c’est cette troisième voie que nous incarnons, qui est la majorité silencieuse

Que propose cette troisième voie ?

D’abord, le respect de la parole donnée. Aujourd’hui on entend certains dire que le président de la République sera candidat par force, ce qui est anormal. Nous avons une offre programmatique qu’on ne va pas dévoiler de sitôt. Actuellement nous sommes en concertation avec les différents membres de la coalition. Je ne vous dirai pas plus sur les différents profils. Une chose est sûre, il y a des titres fonciers au Sénégal. Je peux prendre l’exemple du Fouta. Actuellement, je détiens le meilleur contre Macky Sall à Fouta et je précise qu’ils ont gagné grâce à l’argent.

Idrissa Seck a tenu des propos diversement interprétés lors du conseil présidentiel à Thiès. Pensez-vous qu’il est contre le troisième mandat ?

Je ne me laisse pas embrigader par la déclaration des gens assez tordus et tortueux. Je pèse mes mots et c’est basé sur des faits. Ils ne sont pas des références pour moi. Des gens qui ont géré leur vie à travers des protocoles : On a entendu Wade déballer l’origine de leur différend, l’histoire de « toi et moi », le mbourou ak soow… franchement, ils ne sont pas des références. Et ses dires ne méritent pas de commentaires. Si le dialogue national était sincère, on ne serait pas aujourd’hui dans cette situation de défiance. Malheureusement, c’était pour dealer et c’est d’ailleurs ce qui a accouché le Mbourou ak Soow. Amadou Ba, Aminata Touré, Aly Ngouille Ndiaye, Mamadou Matar Cissé et Cie ont été tous chassés du gouvernent pour délit d’ambition. Aujourd’hui on fait appel à eux parce qu’il y’a beaucoup de confusions.

Macky Sall était-il à Thiès pour son projet de troisième candidature ? 

Le président Macky Sall n’a pas encore déclaré sa candidature. Il avait dit qu’il a réglé le problème du nombre de mandat et c’était en 2017. Le 31 décembre 2018, il dit : « Je suis dans mon premier mandat, en 2019, si les Sénégalais me renouvellent leur confiance se sera sept plus cinq, il faudra partir » ses troubadours que vous voyez prôner la troisième candidature veulent faire mentir leur leader. C’est pour cela que je dis que la bipolarisation est un non évènement, il y’aura la jonction de toutes ces forces pour faire face à cette candidature.

Au regard des problèmes et craintes, peut-on craindre le pire ?

Ah oui ! Le pays peut s’embraser. Les gens disent que le Sénégal est un havre de paix, mais cette tension qu’on voit monter au fur et à mesure, depuis février 2021… ça peut dégénérer. Si j’étais à la place du président Macky Sall, après mes deux mandats, je fais mes bagages. Si on regarde bien son parcours, il fut maire de Fatick, DG de Petrosen, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée Nationale, Président de la République, Président de l’Union Africaine, qu’est ce qui lui fait courir ? Pourquoi instaurer le doute. Il n’a qu’à chercher un remplaçant pour respecter sa parole et la constitution. Mais s’il fait du wax waxéet le pays sera ingouvernable.

Le rapport de la Cour des comptes confié aux enquêteurs de la DIC, est-ce la voie à prendre ?

Un juge d’instruction est un juge indépendant qui instruit à charge et à décharge. Si on donne le dossier au procureur qui dépend de l’exécutif or l’exécutif c’est Macky Sall. Le procureur a le pouvoir de poursuivre ou ne pas poursuivre, c’est ce qu’on appelle l’opportunité de poursuite. Si l’on voit ceux qui seront convoqués, ce sont des Dages. Tout le monde sait qu’ils n’exécutent pas à l’insu du ministre. Il fallait saisir un juge d’instruction et puis on passe à l’étape supérieure.

La place de la société civile face à cette crise politique

C’est une posture ambiguë. Il faut poser des principes et ne pas prendre parti. Je les invite à beaucoup plus de dépassement. Mais malheureusement, il y’en a qui ont choisi leur camp.

Selon vous pourquoi la magistrature est souvent décriée ?

L’imperfection est humaine, nul n’est parfait. Il est vrai que parfois on tombe sur des cas qui posent problème. Des trafiquants de billets qui se pavanent dans les rues alors que c’est un crime économique. A côté, on voit Samba « Rang rang » écoper de deux ans de prison ferme pour une histoire de cambriolage. C’est pour cela que certains parlent de « Kumba am ndeye ak Coumba Amoul ndeye » et j’en suis une victime, sur le troisième mandat de Macky.

Votre mot de la fin

Je prie que la paix perdure dans ce pays. Je demande aux chefs religieux de prendre la parole pour baisser la tension. Ils doivent parler avant que le pays ne s’embrase à cause de cette histoire de troisième mandat.

 

Entretien réalisé par Moustapha Mbaye

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.